[EXPO] 24.02→11.06 – DIGÉRER LE MONDE – MUSÉE DÉPARTEMENTAL D’ART CONTEMPORAIN DE ROCHECHOUART

[EXPO] 24.02→11.06 – DIGÉRER LE MONDE – MUSÉE DÉPARTEMENTAL D’ART CONTEMPORAIN DE ROCHECHOUART

Le musée départemental d’art contemporain de Rochechouart présente du 25 février au 11 juin l’exposition « Digérer le monde » réalisée par Julie Crenn docteure en histoire de l’art, critique d’art (AICA) et commissaire d’exposition indépendante. Cette exposition résulte d’une mise en corrélation de deux modes digestifs : celui d’une consommation du monde et notamment de notre rapport saturé à l’espace médiatique, et celui de l’assimilation d’une collection muséale qui s’est structurée depuis plusieurs décennies. Comment les œuvres de la collection du musée départemental d’art contemporain de Rochechouart, constituée au cours de ces trente dernières années, peuvent traduire, évoquer, manifester une digestion à la fois personnelle et collective du monde ?

Commissariat : Julie Crenn

Avec Stephan Balkenhol, Eduardo Basualdo, Christian Boltanski, Julien Dubuisson, Rineke Dijskra, Douglas Gordon, Mona Hatoum, Lydie Jean-dit-Pannel, Valerie Jouve, Suzanne Lafont, Wolfgang Laib, Claude Leveque, Steeve Mcqueen, Annette Messager, Lucien Murat, Hassan Musa, Gabriel Orozco, Giulio Paolini, Giuseppe Penone, Michelangelo Pistoletto, Agathe Pitie, Arnulf Rainer, Sophie Ristelhueber, Thomas Ruff, Lazaro Saavedra, Carolee Schneemann, Kiki Smith, Laure Tixier, Patrick Tosani, Sarah Trouche, Jeff Wall.

L’aptitude de l’esprit à s’approprier ce qui lui est étranger se manifeste dans sa forte tendance à assimiler le neuf à l’ancien, à simplifier le complexe, à négliger ou à repousser l’hétérogène ; de même il souligne arbitrairement, isole, falsifie à sa convenance certains traits de ce qui lui est étranger et appartient au « monde extérieur ». Son dessein est de s’incorporer de nouvelles « expériences », de ranger le nouveau dans le cadre du connu, plus précisément d’avoir le sentiment d’une croissance, d’une force multipliée. Cette intention se retrouve servie par un instinct en apparence contraire : l’esprit se résout brusquement à l’ignorance, il se ferme arbitrairement , il bouche ses fenêtres, il repousse telle ou telle chose, il ne veut pas la connaître, il se met en état de défense à l’égard d’un savoir possible, il se satisfait de l’obscurité, d’un horizon borné, il accueille et approuve l’ignorance – toutes choses nécessaires selon le degré de sa force d’assimilation, de son « pouvoir de digestion », pour prendre une image, car en vérité c’est encore à l’estomac que « l’esprit » s’apparente le plus.

Friedrich Nietzsche – Par-delà bien et mal (1886)

Le doigt posé sur un écran, les images, fixes ou en mouvement, défilent sous nos yeux. De haut en bas, de bas en haut, le contenu visuel et textuel paraît infini et inépuisable. Le temps d’une hypothétique digestion de l’information est aujourd’hui mis à mal. De nouvelles habitudes se sont immiscées, nous aimons, nous commentons, nous réagissons, nous partageons. En seulement quelques clics, l’actualité globalisée nous parvient avec une violence dont les répercussions au fil du temps prennent différentes formes : l’indifférence, la sidération, la peur, l’impuissance, la résistance, l’analyse, la colère, la radicalisation, l’inconfort. L’accès illimité à un savoir, une force multipliée, génère la prise de conscience d’une trajectoire humaine nourrie de traumatismes, d’espoirs, de résiliences, de résistances, d’erreurs et de progrès. Une série de questions émerge : au creux de cet espace médiatique dominé par l’excès, comment digérer le monde ? Comment mettre en perspective et en relation ses informations et ses transformations ? La surinformation est-elle motrice d’inventivité, de réaction et de résistance ? Ou bien, ne nous mène-t-elle pas vers une intoxication, une ingestion qui, petit à petit, rétrécit et paralyse les consciences ?

Parallèlement aux problématiques convoquées, l’exposition pense aussi un geste curatorial : celui de réfléchir une exposition à partir d’une collection muséale. Comment l’appréhender et la digérer ? Comment prendre position à travers elle ? Pour exprimer quoi ? Que dit-elle des sociétés passées, actuelles et futures ? Il s’agit alors de penser une exposition sans jamais s’extraire du réel dans ce qu’il a de plus paradoxal, sa rudesse comme sa richesse. Une nouvelle question se pose : est-il encore possible de penser un projet d’exposition en dehors du monde, d’une réalité troublante, changeante, violente et imprévisible ? Si l’on considère la collection du musée comme étant une image hétéroclite du monde, une première digestion, le geste curatorial réside en des choix personnels et subjectifs menant à une seconde digestion. Des choix qui résultent d’un accueil ou d’une ignorance de ce qui constitue la collection. Alors, les oeuvres extraites de la collection traitent de manière directe ou métaphorique d’une violence multiforme et quotidienne. Celle-ci se retrouve à différents niveaux, présente dans l’espace médiatique et dans notre rapport aux images, elle structure aussi un ensemble d’injonctions et d’oppressions (exprimées, visibles ou invisibles) que nous expérimentons chacun(e) au quotidien. En ce sens, l’exposition Digérer le Monde explore différentes problématiques : le corps impuissant, un monde inconfortable, la fin des utopies, la chute, les violences sourdes et convulsives, la sidération, la résistance et la capacité d’agir. À travers elles, les corps sont placés au centre de la réflexion. Les oeuvres tendent ainsi à rendre visible, perceptible et sensible un flux alimenté de paradoxes qui structurent nos sociétés sidérées.
Julie Crenn

Vernissage le vendredi 24 février à 18h30.

Pour en savoir plus sur le lieu :
Musée départemental d’art contemporain de Rochechouart
Place du Château
Rochechouart, 87600 France
05 55 03 77 77
www.musee-rochechouart.com

Visuel de présentation : Valérie Jouve, Sans titre n°50, 1998. Photographie couleur. Collection musée départemental d’art contemporain de Rochechouart.