Satoshi Saïkusa – Utakata – 05/11 au 21/12 – Galerie Da-End, Paris

Satoshi Saïkusa – Utakata – 05/11 au 21/12 – Galerie Da-End, Paris

Exposition Utakata, un ensemble inédit d’œuvres photographiques et picturales de l’artiste japonais Satoshi Saïkusa à la Galerie Da-End, Paris jusqu’au 21 décembre 2019.

Jeudi 21 novembre de 18h à 21h
Rencontre avec les artistes Satoshi Saïkusa et Christophe Rihet – ce dernier investissant le projectroom de la galerie avec sa série photo Crossroads, exposée lors des Rencontres d’Arles 2017, aux côtés de Roger Ballen
.

Depuis trente-cinq ans, Satoshi Saïkusa poursuit une quête photographique double : d’un côté le lustre des images de mode délicatement mises en scène, de l’autre l’intimité obscure de l’expérimentation plastique. Ses portraits de célébrités sont identifiables et mondialement reconnus pour leur originalité : une perspective souvent frontale, un cadrage aéré, une lumière nette assurant un rendu précis, une mise en scène suscitant chez le modèle une posture parfois inattendue, une palette riche en tonalités. Lorsque Saïkusa retravaille ces photographies de commande, l’image lisse de l’icône de mode bascule dans un monde incertain, soumis à la déconstruction, voire à la décomposition. L’artiste affiche alors une tendance forcenée à défaire, à déconstruire sur le plan physique du tirage l’image qu’il a patiemment composée.

Satoshi Saïkusa crée ainsi constamment une tension entre la photographie iconique, parfaite, unique, et le potentiel de celle-ci à être métamorphosée, recomposée et mutilée. Le photographe fait peser une autre menace sur l’illusoire unicité de la photographie parfaite : dans certaines séries, l’œuvre photographique se trouve à nouveau noyée dans le flux de sa prise de vue initiale. (…) C’est le cas des contacts exposés cette fois-ci à l’entrée de la galerie, entre journal personnel et récit de voyage, qui rapportent de manière brute le passage du temps. Les thématiques abordées par le photographe plasticien sont multiples, tout autant que les techniques mises à contribution, mais sa préoccupation est la même : que ce soit sur un mode majestueux, euphorique ou au contraire angoissé, c’est l’éphémère, l’éternelle question de l’inexorable écoulement du temps. Saïkusa lui donne pour nom utakata, reprenant le terme ouvrant les célèbres Notes de ma cabane de moine (Hōjōki) de Kamo no Chōmei (1155-1216) et qui qualifie les bulles se formant à la surface de l’eau.

Comme pour marquer à nouveau le temps dans ce flux vertigineux, les œuvres les plus récentes de Satoshi Saïkusa sont des pièces uniques imposant leur temporalité propre. Une photographie de la surface changeante de l’eau est contrecollée sur un support peint en bois. Sur une série de peintures à l’acrylique figurent, sur fond noir, des cercles multicolores ornés de boucles irrégulières, dans lesquels l’œil voit (un peu trop rapidement) autant de fleurs évanescentes, ou de soleils enfantins. Une autre série de peintures à l’acrylique ébauche des formes figuratives pour aussitôt les noyer dans l’immédiateté du geste, en des taches expressives qui rythment abstraitement le tableau. Et enfin trônent deux sculptures : deux bâtons en bois plantés dans un socle carré, bandés de manière à former un triangle, sur lesquels se hisse un panneau carré, tel un tableau sur un chevalet. Sur les bâtons poussent de fines tiges, comme autant de poils. Dans la première sculpture, le panneau carré peint en blanc a été gratté pour laisser apercevoir, sous forme triangulaire, la couche de pigment noir en-dessous. Dans la seconde, le panneau a été recouvert d’un montage de photographies représentant des fleurs, avec une forte alternance de tons roses et blancs qui n’est pas sans évoquer la viande crue. Ces deux pièces apparaissent comme des tombeaux photographiques, des monuments instables plantés dans l’espace de l’exposition pour marquer un arrêt, dans une fragile tentative de contrecarrer le flux inexorable du temps qui à la fois menace et nourrit l’artiste.

Kei Osawa, chercheur en histoire de l’art et en esthétique au Musée de l’Université de Tokyo
Satoshi Saïkusa_exposition Utakata_Galerie Da-End_Paris
Satoshi Saïkusa, La source de lumière qui est tombée sur Ohara Kyoto, 2019
Tirage d’archive, 185 x 124 x 6 cm
Courtesy de l’artiste et la Galerie Da-End

GALERIE DA-END
17 Rue Guénégaud 75006 Paris

Satoshi Saïkusa_exposition Utakata_Galerie Da-End_Paris
Satoshi Saïkusa, Marie à la Plage, 2019
Film négatif noir et blanc, boîte, 92 x 92 x 11 cm
Courtesy de l’artiste et la Galerie Da-End