11/03 AU 29/03 – LAURENCE GOSSART – LES SONGES D’UNE VIE D’IRIS – CLOITRE DES RECOLLETS, METZ

11/03 AU 29/03 – LAURENCE GOSSART – LES SONGES D’UNE VIE D’IRIS – CLOITRE DES RECOLLETS, METZ

Exposition Les songes d’une vie d’iris de Laurence Gossart proposée par la Galerie des Jours de Lune du 11 mars au 29 mars au Cloître des Récollets, Metz.

 

Vernissage le 13 mars à 17h

 

Merci d’être, sans jamais te casser, iris,
ma fleur de gravité

René Char, Lettera amorosa

 

Les songes d’une vie d’iris. A l’instant même où le projet s’est engagé, le titre s’est dessiné sous mes doigts. Des rêveries autour de l’iris où chaque dessin est comme une caresse délicate, où chaque trait révèle une feuille, un pétale. Déclinaisons, inclinaisons, en somme des représentations qui tournent autour d’un inconscient de cette plante aux feuilles ensiformes, à la racine riche de ses odeurs précieuses et dont la fleur est un cœur royal. Songer, serait-ce rêver et réfléchir, méditer ou créer les conditions d’une apparition ? Les songes dessinés jouent d’allitérations savoureuses dont le sensible est souvent sensuel et devient savant, flirtant avec l’œil du scientifique. Le cloître sertissant ces songes est un lieu où de nombreuses pensées se sont susurrées. Comme ces dessins qui sont parfois des murmures d’inflorescence au sein de ce lieu de méditation où la circumambulation est propice à révélation. Cette exposition est conçue comme une unité et chaque dessin semble développer ce qui est déjà en présence en l’autre, une forme de réminiscence d’un comportement. Des petits aux grands formats, l’intelligence circule et déambule entre les pierres. Pétales, tiges, rhizomes et sépales semblent répondre aux arcs et clés de voute de l’architecture du Moyen-âge pour en dévoiler les structures communes.

Mais surtout… il y a rencontre. Et si j’évoquais les murmures et les révélations des nombreuses prières qui ont habité ce lieu, c’est parce qu’ils répondent à l’évanescence qui se sublime sous mes mines lorsque je dessine ces iris. J’en approche les contours mais surtout je les perçois au sens où Emanuele Coccia pense ce terme : « Percevoir le monde en profondeur, écrit-il, c’est être touché et pénétré par lui au point d’en être changé, modifié.[1]». Ces dessins livrent ce que ces iris ont touché en moi, ce qu’ils y modifient. Je m’ouvre à eux, je cherche à les comprendre et cette compréhension, liée au temps de réalisation et d’observation, est fondée sur une attention fine qui me permet de sentir les pulsations, les rythmes de la croissance, le vivant à l’œuvre, en somme ce qui est à l’origine des formes. Le soyeux des pétales s’arrondit et se courbe. Or, les toucher laisserait une empreinte indélébile. Comme des songes, à peine peut-on les effleurer. Ainsi en va-t-il de la pression de ma main sur le papier. Mon geste s’est imprégné de cette connaissance des comportements végétaux et se traduit sur les supports à la blancheur douce. Les lignes successives livrent leur fragilité que le choix de mes moyens plastiques donne à voir. Cette délicatesse est tout autant la mienne que celle des iris. Exposés directement, sans verre, mes dessins posent d’emblée la question de leur conservation, de leur protection et ainsi de la relation qui s’y engage. Ils sont des pensées suspendues à fleur de papier.

Cette exposition est aussi une quête autour de la représentation du végétal à la croisée des sciences et des arts mais vient interroger des questions plus personnelles se frayant ainsi un chemin plus intime. En effet c’est aussi le fait d’une rencontre qui a cristallisé toute mon attention : un ensemble de quatre gravures que j’extrayais de la boite d’iconographie des iris de la bibliothèque de botanique du Museum d’Histoire Naturelle de Paris. Ces gravures étaient isolées, dissociées de leur ouvrage d’origine mais répertoriées sous le nom de Pierre-Joseph Buc’hoz[2]. Médecin et avocat, messin fou de botanique , il réalise des centaines de livres dédiés aux sciences naturelles dont  Histoire Universelle du règne végétal[3]. De cet ensemble, une planche attire particulièrement mon attention. Les dessins de fleurs d’iris y sont disposés de façon à laisser jouer les vides et pleins, et les traits qui constituent chaque pétale, chaque feuille sont tracés parallèlement les uns aux autres. Le volume donné par l’intensité, la quantité et par les inflexions courbes imprimées à ceux-ci donne une présence et une beauté à la fleur centrale qui absorbe notre regard, l’Iris Germanica, Iris Ordinaire. Les traits s’épurent pour laisser place à l’essentiel des formes des fleurs et du feuillage. Tout semble être fait de la même matière mais évolue de volute en sillon pour sublimer l’iris. Dessiner les plantes permet, comme l’écrit Gilles Clément, de considérer « la forme comme une révélation fondamentale du comportement.[4] ».

Mais avec cette exposition, c’est aussi l’esprit de Jean-Marie Pelt, écologue et éminent botaniste, que chuchotent les murs du Cloître des Récollets. Les Archives de la ville jouxtent dans ces lieux l’Institut européen d’écologie fondé en 1971 par ce fervent défenseur de la nature. Toutes ses pensées continuent de s’insinuer dans ces pierres que sa dynamique et ses convictions ont contribué à préserver. C’est un hommage aussi à cet homme dont le regard doux et perçant semble se pencher sur ces mémoires d’iris, insufflant en chaque dessin  amina et physis. Et les songes s’y lisent comme des présages…

 

[1] Emanuele Coccia, La Vie des plantes, Une métaphysique du mélange, Payot et Rivages, Paris, 2016, p. 126.

[2] Pierre-Joseph Buc’hoz (1731 – 1807) botaniste, médecin et avocat.

[3] Pierre-Joseph Buc’hoz, Histoire universelle du règne végétal, ou Nouveau dictionnaire physique naturel et économique de toutes les plantes qui croissent sur la surface du globe, Paris, Costard et Brunet, 1774-1778.

[4] « En se plaçant avec et non contre la nature inventive. En s’immergeant, en oubliant de porter un jugement. En considérant la forme comme une révélation fondamentale du comportement.

 

Il s’agit d’une leçon d’existence.
Cet ouvrage de dessins nous montre les plantes sous une figure claire, inattendue, impressionnante. L’auteur, attentif à la créativité de la nature, s’est employé à restituer la diversité et la singularité des phénotypes avec précision. Mais on ne peut s’empêcher de percevoir en chaque expression une « intention botanique », comme si la plante décidait de sa structure, sa résistance, son acrobatie et  finalement son allure générale. » Gilles Clément, préface, Francis Hallé, 50 ans d’observation dans les jardins botaniques du monde, Montpellier, Muséo Edition, 2016.

 

Cloître des Récollets
1, rue des Récollets 57000 Metz
Du lundi au vendredi de 13h à 17h