[EXPOSITION] 07/09 ▷ 31/07/18 – TURBULENCES DANS LES BALKANS – Halle Saint-Pierre – Paris

[EXPOSITION] 07/09 ▷ 31/07/18 – TURBULENCES DANS LES BALKANS – Halle Saint-Pierre – Paris

Exposition collective TURBULENCES DANS LES BALKANS du 07 septembre 2017 au 31 juillet 2018 à La Halle Saint-Pierre, Paris.

Les artistes de l’exposition TURBULENCES DANS LES BALKANS : L’Archiviste Barbarien, Predrag Milicevic, Ion Bârladeanu dit Ion B., Ilija Bosilj Basicevic, Boris Deheljan, Aleksandar Denic, Bojan Dordevic dit Omca, Joca Geringer, Vojislav Jakic, Siljan Joskin, Dragan Gagac Jovanovic, Ljubisa Jovanovic « kene », Dragan Milivojevic, Vojkan Morar, Budimir Pejak Pejakovic, Nenad Dzoni Rackovic, Dragan “Magicni Cica” Radovic, Danijel Savovic, Emir Sehanovic, Sava Sekulic, Igor Somonovic, Matija Stanicic, Ivana Stanisavljevic, Milan Stanisavljevic, Goran Stojcetovic, Tanasic Zoran par Ivan Zupanc

 » L’exposition Turbulences dans les Balkans poursuit les prospections que la Halle Saint Pierre mène depuis plus de vingt ans aux frontières de l’art brut. La scène artistique des Balkans donne à voir ses territoires alternatifs riches de leur complexité et leur diversité. Gardiens du grand héritage de l’art populaire, icône de la pop culture, explorateurs de langages archaïques ou magiciens du matériau brut, tous ces artistes inventent des mondes singuliers travaillés par une Histoire déchaînée autant que par les sentiments et les instincts excessifs qui enflamment leur relation au monde. TURBULENCES, est la métaphore de ces expériences intimes mises en images, en émotions et en réflexions.

C’est le vent de l’art brut qui relie organique- ment ces formes d’art différentes mais pour- tant voisines. Comment ne pas porter sur Ilija Bosilj et Sava Sekulic, maîtres de l’art naïf yougoslave, un œil neuf libéré du jugement de la naïveté. Nous serons étonnés de voir com- ment leur référence au monde réel est éloi- gnée des compromis narratifs avec la réalité objective. Leur maladresse, leur simplicité, leur exagération et leur étrangeté, loin d’être la marque d’une quelconque indigence, expri- ment leur vision onirique d’un au-delà des ap- parences révélé dans sa dimension mythique et magique. Dans leur sillage Matija Stanicic, Milan Stanisavljevic et Barbarien feront éga- lement pencher leurs œuvres du côté brut de la force psychique. Mais ce sont les compo- sitions torturées de Jakic, que l’artiste vivait non pas comme « un dessin ou une peinture, mais comme une sédimentation de douleur » qui nous plongent implacablement dans un monde archaïque, déstructurant dans le même temps nos logiques rationnelles.

Nous devons à Nina Krstic, conservatrice du Musée d’art Naïf et Marginal de Jagodina en Serbie, de conserver et protéger ce patrimoine artis- tique mais aussi de le partager comme une réalité patrimo- niale en perpétuelle évolution. C’est ainsi que, grâce à son action, des artistes aux entre- prises très différentes, Siljan Joskin, Ivana Stanisavljevic,

Igor Simonovic, Ljubisa Jovanovic Kene ou Vojkan Morar, revendiquant pleinement leur statut mais se trouvant en porte à faux avec « l’asphyxiante culture », ont gagné la recon- naissance au sein de la tribu créatrice com- plexe et plurielle des artistes « outsiders ».

La rencontre de l’art brut et des Balkans n’en est cependant qu’à ses premiers développements, loin de la vulgarisation en cours en Europe occidentale et aux Etats-Unis. Autrefois poudrière, aujourd’hui morcelés et en quête de stabilité, les Balkans tentent d’exister ailleurs que dans le poids du passé, que ce soit un passé lointain marqué par la domination des Empires, les mythes nationaux, ou un passé proche fait de conflits armés. En marge des institutions une scène artistique alternative voit le jour. Tournant le dos aux performances trop artificielles et intellectualisées d’un certain art contemporain, des artistes veulent renouer avec des formes d’expression plus authentiques, ouvertes sur la vie intérieure jusqu’aux confins de l’obsession et du délire.

Entre caractère alternatif et effervescence artistique, des initiatives ont vu le jour qui donnent une visibilité à l’art des marges. L’association Art Brut Serbia, fondée par Goran Stojcetovic s’est donnée pour mission de créer émulation, rencontres, partage aussi bien dans le champ de la réflexion que dans celui de la pratique. Ses membres, parmi lesquels Danijel Savovic, Budimir Pejakovic, Bojan Dordevic Omca, Dragan Gagac Jovanovic, Dragan Radovic Cica, sont de sensibilité très différente et d’une grande variété d’inspiration. Mais ils ont en commun un même besoin viscéral de célébrer le geste créateur, d’oser lever barrages et censures pour réactiver des noyaux de vécu et les sentiments confus qui les tra- versent. L’association collabore étroitement avec le centre culturel autonome Matrijarsija dont l’objectif est d’être un « générateur puissant d’art turbulent ». Ces nouveaux artisans de la contre-culture, renouvelant le slogan Do it now, do it yourself, inventent des pratiques artistiques visuelles et musicales spécifiques à destination des artistes marginalisés par le système de production, de présentation et de transmission de l’art. Turbulences dans les Balkans met en acte le besoin existentiel de ces artistes de penser le monde en le poétisant, de faire résonner un langage qui ne raisonnerait plus. Un langage de la rupture à l’œuvre dans les photomontages d’Emir Sehanovic perpétuant la molybdomancie, un art divinatoire ancestral ou dans les dessins de Zoran Tanasic placardés dans différents lieux de la ville, faisant de l’espace public le théâtre éphémère de son récit personnel.

Les terres sauvages de l’art brut nous interrogent sur ce qui reste d’espoir aujourd’hui de renouer avec les forces créatives profondes. En riposte à la prison imaginaire dans laquelle le progressisme technologique nous détient depuis si longtemps, l’insoumission sensible de nos turbulents imagine de folles évasions. Ces artistes ne correspondraient-ils pas à la description nietzschéenne de l’homme du « gai savoir » : « Après avoir subi assez souvent naufrages et catastrophes », ils ont pu découvrir une autre compréhension de la réalité, « un monde […] démesurément riche en choses belles, étrangères, problématiques, terribles et divines »1.

1. Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir, Paris : Flammarion, 1997, p. 351.

Martine Lusardy Directrice de la Halle Saint Pierre Commissaire de l’exposition

Halle Saint-Pierre
2, rue Ronsard – 75018 Paris
www.hallesaintpierre.org

Ouvert tous les jours Semaine de 11h à 18h – Samedi de 11h à 19h – Dimanche de 12h à 18h
Fermé le 14 juillet. Expositions temporaires : plein tarif : 9 € / tarif réduit : 7 €

Visuel de présentation : JOVANOVIC Dragan Gagac, Jour J, 2013, acrylique sur toile, 5 x 2 m