[EXPO] du 18.05 au 22.07 – EVA NIELSEN – LES FONDS DE L’ŒIL – Galerie Jousse Entreprise Paris

[EXPO] du 18.05 au 22.07 – EVA NIELSEN – LES FONDS DE L’ŒIL – Galerie Jousse Entreprise Paris

Exposition personnelle LES FONDS DE L’ŒIL de EVA NIELSEN à partir du 18 mai à la Galerie Jousse Entreprise, Paris.

Vernissage le 18 mai de 16 à 21h

Commissaire : CLÉMENT DIRIÉ

« Le pouvoir de l’illusion – dont la peinture constitue sans doute une forme exacerbée, archétypale – réside dans cette réunion des contraires : l’incertitude et la virtuosité, l’échappée et la précision. C’est, me semble-t-il, ce qui fascine dans le mirage et l’oasis, au-delà de notre propre envie d’y croire : cette apparition soudaine, au milieu du désert et de la platitude, d’un vrai bloc de réel, avec palmiers, bruit de l’eau qui coule et promesse du repos. Cette apparition, elle n’est pas tant optique que mentale : nous en avons besoin pour avancer, nous dépasser, y croire encore et s’y lover, quitte à y perdre forces et lucidité. Elle se situe au point d’intersection de la pupille et des neurones : pulsion scopique et auto-persuasion cérébrale réunies « dans le meilleur des mondes possibles ». Et si la cascade et l’origine du monde d’Étant donnés 1° La Chute d’eau 2° Le Gaz d’éclairage (1946-1966) de Marcel Duchamp n’étaient finalement qu’un mirage, dépaysé dans les montagnes suisses.

Eva Nielsen, Lucite XII, 2017, 190 x 140 cm, acrylic, ink, canvas
Eva Nielsen, Lucite XII, 2017, 190 x 140 cm, acrylic, ink, canvas

Dans cet ensemble de peintures récentes (toutes de 2016-2017), qui appartiennent à des registres techniques et iconographiques différents – registres que l’artiste étend méthodiquement – Eva Nielsen poursuit cette recherche : donner corps à l’illusion, à des mirages visuels agissant autant sur la rétine que sur l’intellect, à la surface de nos orbites comme aux fonds de nos yeux. Ces mirages prennent des apparences changeantes : parfois, architectures de béton, fières de leurs formes monolithiques, qui emplissent l’espace, l’envahissent presque, et dont la certitude immanente construit les paysages alentours ; ailleurs, scènes de genre kaléidoscopiques, feuilletées de plis infinis, brisant la linéarité du réel. Ces dernières, peut-être marquées par les aventures humaines qui s’y déroulent, dévoilent leur potentiel narratif, cinématographique.
Tu t’en doutes : j’y adhère complètement, à ces oasis de peinture, heureux de me perdre dans l’effet d’un glacis, la stratification d’une composition, le recouvrement d’une sérigraphie, un cadrage tantôt brutal tantôt hors-champ ; ravi d’alterner vision de près, au microscope, où l’œil s’affole au contact des particules élémentaires, et point de vue lointain, comme si je dominais cette « bataille picturale » constamment recommencée. Comme toujours, Eva Nielsen ne cherche pas à mimer une réalité que l’œil pourrait découvrir seul, mais nous offre des précipités de ses visions, des collages de formes, d’atmosphères et de paysages perçus, photographiés, glanés, puis reconstitués. Avec leur aqueuse réalité minérale, les paysages de la Loue peint par Gustave Courbet – un autre peintre de la pulsion scopique et de la chute d’eau – fixaient autant des vues du Jura qu’une certaine idée de la nature, « immaculée » mais toujours changeante. Les peintures d’Eva Nielsen offrent une certaine idée de la vision : faite d’éblouissements, de décalages, de mises au point en cascade. De zone réservée, le blanc se fait clignement violent. De motif architectural, la treille métallique devient structure all-over. Ses sujets, volontairement ingrats, voient le standard se disputer à l’anecdotique et au non-reconnaissable, dans un va-et-vient permanent entre les échelles : celle, technique, du nécessaire de plomberie comme celle, bigger than life, des artistes du Land Art.

En atteignant l’oasis, le voyageur à la rétine hallucinée commence à chercher de l’ombre et de l’eau. Celle-ci, tu la trouveras en quantité ici, recouvrant presque tout sur son passage. La première, en revanche, ne se risque jamais trop. Il est toujours midi – un midi mouillé, certes – dans ces œuvres « peephole ». Pièges pour le regard, réceptacles pour se projeter, instruments cognitifs. Un mirage, même sans soleil ni séduction, demeure une tentation sans pareille. La pluie, les arbres maussades, l’impression de la nuit qui vient, ces pavillons célibataires qui nous attirent irrésistiblement vers eux renforcent son potentiel mystérieux, comme s’il n’était qu’une première étape avant d’aller plus loin, au fond de la toile comme de ses propres yeux.  » Clément DIRIÉ

Galerie Jousse Entreprise

6 Rue Saint-Claude Paris

Visuel : Eva Nielsen, Ascien II, 2017, 200 x 260 cm, oil, acrylic, ink, canvas