[EXPO] 19.04 au 13.05 – AYAKO DAVID KAWAUCHI et CORALINE DE CHIARA – CE QUI SURVIT – galerie detais

[EXPO] 19.04 au 13.05 – AYAKO DAVID KAWAUCHI et CORALINE DE CHIARA – CE QUI SURVIT – galerie detais

Exposition « Ce qui survit » de Coraline de Chiara et Ayako David Kawauchi du 18 avril au 13 mai dans les deux espaces de la galerie Detais/Sabine Bayasli au 10 et 39 rue Notre-Dame de Lorette.

Vernissage de l’exposition « Ce qui survit » le mardi 18 avril 2017 à partir de 18h.

AYAKO DAVID KAWAUCHI CORALINE DE CHIARA CE QUI SURVIT Galerie Detais

Quand le mathématicien Alexandre Grothendiek fonde le groupe Survivre au courant de l’été 1970, il dresse le constat d’un divorce entre une recherche scientifique devenue abstraite à force de traquer les mécanismes de la Nature et la représentation que le grand public se fait de cette apparente magie noire. Pour Survivre, Grothendiek propose de se défaire de la mystique du sens caché.

C’est au domaine du caché, de ce qui se dérobe au visible, qu’appartient la première image : imago, le terme désigne dans la Rome antique le portrait du défunt, moulé dans la cire ou le mortier à même le visage éteint. A défaut de pouvoir faire sur-vivre les mortels, il s’agit de les sur-voir, de les voir par-delà leur absence ; ce même réflexe de conservation animera les portraits du Fayoum à partir du 1er siècle de notre ère, et encore les premiers daguerréotypes, réalisés post-mortem. Sculpture, peinture et photographie s’originent dans le dépassement de cette charnière entre vie et mort. Cette relation travaille l’exposition Ce qui survit.

Au travers de portraits réalisés au fusain, à la pierre noire ou au pastel gras, plus rarement à l’huile ou à l’acrylique, Ayako David Kawauchi semble faire flotter têtes et bustes sur le papier, à l’instar des yūrei, ces jeunes ffilles fantômes cherchant à entrer en contact avec les vivants.

Travaillant à partir de modèles vivants, l’artiste déplace leurs regards, qui ne croisent jamais celui du regardeur. Perdus dans leurs pensées, ils regardent ailleurs ou nous tournent le dos, ouvrant notre propre regard à un prolongement indéfini. L’espace du dessin n’est déjà plus celui des corps qui lui font face : l’image n’est plus du ressort du monde physique.

Absorbée dans la contemplation de mondes extérieurs auxquels nous n’avons pas accès, une petite ffille se tient près d’une fenêtre, devant un album ou sur la marge d’une pièce ouverte sur un néant bleu. Le cadrage ne donne à voir que son geste de voir, projeté vers un invisible qui ne se livre que par indices, comme un puzzle. Avalée par un bonnet ou par une chevelure, refermant les mains sur la bouche ou sur une coupe comme portée dans un rituel indécryptable, la petite ffille, à chaque fois ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre, se réfugie dans son mutisme.

Evoquant les icônes saintes ou les martyrs céphalophores portant leur tête dans leur main dans un ostensible renoncement au monde, les portraits sur fond doré forment un panthéon où se croisent des artistes, des critiques – des visionnaires.

Autonomes, toutes ces figures émergent de l’aplat, en positif.

L’omniprésence de la statuaire antique fait motif dans la peinture de Coraline de Chiara.

Devant la minéralité de la pierre, que l’on retrouve dans les fossiles ou dans les figurines de céramique, ou du métal, dans ses épaves, s’évapore la légèreté de voiles ou de rideaux semblant les camoufler.

Pourtant, ce camouflage reste imparfait : l’oeil le traverse pour accéder aux contours brouillés, outés presque, qui se massent derrière lui. La pluralité des objets masqués appelle une pluralité de masques – à bien y regarder, les objets pourraient n’être qu’autant de prétextes à une exploration des moyens de leur dissimulation partielle. Les toiles de Coraline de Chiara sont en recherche de cette stratification du regard, dans laquelle se révèle, au sens propre parfois, la persistance des images. S’il s’agit d’une survivance des images, celle-ci se déconnecte de toute temporalité. Si les sujets paraissent défier le temps, ils trouvent leur réalité dans une remontée de l’image à la surface de la toile. Pour le dire autrement : la survie opère ici moins que la survision à laquelle l’artiste invite.

La notion de profondeur de champ, employée pour définir dans le domaine de la photographie l’étendue de la zone sur laquelle s’ouvre l’appareil pour que l’oeil obtienne une image nette, se double ici du trouble de la vision provoqué par l’ivresse des profondeurs.

Au gré de leurs connivences, Ayako David Kawauchi et Coraline de Chiara prennent l’épaisseur du trait comme le lieu d’une bascule : pour la première, l’image demeure une surface impénétrable, ne donnant qu’un accès sourd au dessein qui se trame au-delà, l’oeil ne parvenant qu’à déchiffrer des formes mouvantes agissant en secret ; pour la seconde, la peinture plonge au coeur de la nature du regard, l’écartelant jusqu’à le mettre en défaut, au pied du mur, incapable qu’il est de rester, en repos, loin des objets. Pour les deux, ce qui vit dans l’espace de l’oeuvre, plus que la tentative d’introduire une ressemblance, une proximité, avec la vie, c’est l’acte de voir qu’il y a de l’au-delà tapi dans la vision même. Représenter des objets, sans doute est-ce aussi les habiller du regard.

 

Pour en savoir plus sur Coraline de Chiara et sur Ayako David Kawauchi

Pour en savoir plus sur la galerie detais

10 rue Notre Dame De Lorette

39 rue Notre Dame De Lorette

75009 Paris

www.galeriedetais.fr