les Méliades

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Gravitations

 

Gravitations : c’est par sa dimension astrale que nous abordons l’exposition d’Eva Ducret et de Gérard Breuil. Les deux œuvres sont des planètes de feu et de lumière tournant autour de plusieurs soleils différents. Elles sont en gravitation spéculaire, car leur force d’attraction créatrice s’exerce réciproquement de l’une sur l’autre. Et elles gravitent ensemble autour des deux lieux spécifiques que sont la Vitrine à Marcigny et l’église Saint-Martin-de-la-Vallée. Vitrine et église constituent deux pôles qui délimitent l’étendue spatiale de la gravisphère expositionnelle. Nous sommes là dans le temps rythmique des pulsations cosmiques. Les deux artistes partagent chacun à leur façon une spiritualité mystique qui ne relève pas d’ entités abstraites, mais qui est étroitement reliée à la vie de l’esprit et à la vie de la matière. L’exposition est la cartographie d’une cosmogonie des formes esthétiques saisies dans des phénomènes de spiritualisation. 

Nous commençons avec les bois de G. Breuil à la Vitrine. Nous lui associons poétiquement le physicien Planck, inventeur de la théorie quantique et de la problématique dite des corps noirs. Or les bois calcinés de Breuil, nous les percevons précisément comme des corps noirs que nous appelons les Réincarnés. Nous y reviendrons bientôt, le temps d’indiquer que nous associons à son tour Eva Ducret à l’écrivain et mathématicien Lewis Caroll et sa figure d’Alice, pour la façon qu’elle a de traverser le miroir et de déposer  sur un anneau de Moebius ses surfaces et volumes afin de moduler la lumière jusque dans le moindre tremblement physique de la matière. Les deux artistes entrelacent leurs œuvres, diffusant ainsi à l’ensemble de l’exposition effets quantiques et effets Lewis Caroll. La rencontre, par voie artistique, du physicien et de l’écrivain avec l’exposition est d’autant plus facile qu’Eva Ducret et Gérard Breuil utilisent les mesures des magiciens et des magiciennes, les démesures des sorciers et des sorcières, ils déchiffrent des arcanes, interprètent des géomancies, lisent des présages et des précurseurs… Voyante et voyant, ils savent  comme Ulysse de Joyce qu’il faut parfois fermer les yeux pour voir. 

Les bois-corps noirs sont dotés d’une puissance chthonienne qui les rattache à la terre, à ses entrailles, à ses abysses. Nous les nommons donc les Réincarnés, car à un point zéro de leur mort G. Breuil assure leur réincarnation selon un processus qui convertit énergétiquement le feu en lumière noire. Ils gardent en eux la marque indélébile du feu et portent la vie et la mort entrelacées dans  la dialectique d’une lutte dansée entre destructions et renaissances. Le noir de fumée qui les a calcinés manifeste les esprits du feu et produit leur chromatisme de lumière noire, spiritualisant ainsi la matière. Ils sont des piliers de fumée solidifiée et des colonnes de lumière noire dressées dans le champ coloré des choses qu’ils ponctuent en exprimant la sombre clarté des profondeurs. C’est là que les corps noirs rencontrent les rouges de cinabre des torches en transition d’Eva Ducret en attente d’un feu rituel. La série de ces torches conduit  l’obscure clarté des étoiles célestes. Alors on sent que les surfaces des pièces de E. Ducret et de G. Breuil se déplient et se rejoignent pour tendre un plan continu par dessus les intervalles spatio-temporels où terre et ciel sont contigus. C’est sur ce plan, depuis une embryologie géologique souterraine transitant par les corps noirs et depuis des lointains galactiques transitant, eux, par les rouges de cinabre, que se mêlent des monstres et des démons, des dragons et des êtres fabuleux ne parlant que le langage du feu, et aussi des anges déchus, des anges gardiens, des êtres féeriques immatériels ou divins ne parlant que le langage de la lumière. 

    C’est ici également que l’exposition entre en synergie avec l’église : sa voûte, sa nef, son abside, ses fresques. Maintenant notre référence poétique à la physique quantique et à Lewis Caroll s’éclaircit. En effet, nous pensons et imaginons que cette exposition se compose de plusieurs mondes parallèles ou superposés en coexistence simultanée : selon ce principe d’ubiquité, on peut exister dans plusieurs mondes différents à la fois. C’est pourquoi par exemple chaque corps noir est, comme dans l’expérience quantique du chat de Schrödinger, à la fois mort et vivant. Et de l’autre côté du miroir, quand tournent sur leur axe mobile volumes et surfaces d’Eva Ducret, deux phénomènes contraires s’effectuent conjointement : les longues tiges de noisetiers s’ancrent solidement au sol alors même qu’elles sont les vapeurs ligneuses qui, dans leur légèreté aérienne, s’envolent en apesanteur dans l’espace. Et à la Vitrine, chaque corps noir est un envoyé spatial des forces telluriques et le danseur immobile d’une chorégraphie architecturale par laquelle il devient une cariatide mythologique dans sa force féminine de portance.

Les œuvres d’Eva Ducret et de Gérard Breuil ne se séparent pas des mondes qu’ils portent et qu’ils ouvrent. Si nous sommes toujours dans le temps rythmé des pulsations cosmiques, voilà maintenant les étreintes du feu et de la lumière. Sur une ligne de force de l’exposition, l’église romane reste dans sa sacralité adossée à la sphère religieuse, mais elle devient un vaisseau spatial en gravitation compositionnelle avec des mondes en coexistence se multipliant. Il y a dans le chœur un bois de Breuil nous évoquant une Vierge noire ou une Piéta. Tout près, en surplomb, se dressent les Fakla’s d’Eva Ducret. Ils veillent sur la figure mariale, leurs longues tiges de noisetier sont des baguettes magiques ou des instruments d’alchimiste, ils sont une forêt minimaliste de symboles et un cortège de pèlerins vibrant dans le mouvement arrêté de leur immobilité intuitive. La forme imbriquée de leurs têtes goudronnées offre une variation chromatique de bruns qui les teinte tel un masque sidéral. Et ils participent au principe igné et réversible, mortel et résurrectionnel de la couleur noire des bois brûlés. Non loin, dans l’abside, un triptyque de Breuil élève en filigrane un calvaire de Mantegna et il laisse flotter dans l’air une vision de Bacon où il distingue dans un tableau de Cimabue un Christ rampant comme un ver sur le bois de la Croix… Le triptyque, dans son  intensité crucifixionnelle, appelle la force des loupes de verre d’Eva Ducret qui déroulent, entre les transversales de leur transparence, un immatériel suaire de lumière où n’apparaît que le temps qu’il met à disparaître un portrait christique comme une évanescence iconographique. Depuis l’entrée nous suivons le chemin des roses qui n’a d’autre trajectoire que celle de ses métamorphoses. La forme des roses de bois plissées, spiralées dans la profondeur du volume est une conscience cosmique de l’univers, alors le chemin des roses devient chemin des météores. Le chemin des roses de bois météoriques est aussi un noir miroir mettant en émoi atmosphérique la lumière acrobatique qui vient y rebondir quand elle pollinise ses reflets. Reflets aussitôt saisis par les loupes, serties dans des verticales de métal rouge comme le feu d’un soleil en sang. Le métal et le verre font se rencontrer la forge et l’étoile. Le métal contient la poétique métallurgique des transformations et des alliages, il est relié par la forge au feu souterrain et infernal, à Vulcain. C’est pourquoi il est en fraternité avec les bois-corps noirs de Breuil, et si le métal apporte dans l’exposition les gestes initiatiques du forgeron, le verre fait passer avec Eva Ducret la respiration des souffleurs de verre vénitiens. 

Les torches rouges de cinabre en transition sont en attente de solstice et de leur mise en embrasement. Alors Eva Ducret convoque des figures aliciennes et carolliennes pour inventer des liturgies et des rituels plastiques et ésotériques connus d’elle seule mais qu’elle offre à tous. Plus tard, le groupe intitulé   A l’imparfait prendra place dans sa fonction sculpturale à la Vitrine et viendra remplacer les Méliades, ainsi que Breuil nomme les bois-corps noirs avant qu’il ne les métamorphose. Alors les deux artiste accompliront-ils le cycle expositionnel en scellant le cercle sans début ni fin des gravitations. 

Nous sommes dans la grâce mobile et aérienne des gestes de lumière et de feu des œuvres sculpturales, telluriques et célestes organisées en installation. Alors nous pensons avec l’aide de Spinoza qu’une pensée n’est pas limitée par un corps ni un corps par une pensée, et nous savons désormais que cette exposition multidirectionnelle et multidimensionnelle ouvre, dans son rayonnement cosmique, sur des possibilités infinies.

Eva Ducret est grande maîtresse dans les secrets de la lumière et Gérard Breuil grand maître dans les secrets du feu. 

 

Joël Couve

Mars 2024

 

 

 

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Date et heure

21-04-2024 - 17:00 à
26-05-2024 - 17:00
 

Types d’évènements

 

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