Fantaisie de la contrainte

Exposition de Emilie Hirayama, au 1er étage de la galerie

En 1978, ma grand-mère amenait du Japon une boîte de peinture. Elle ne m’était pas destinée puisque je n’étais pas née.
Cette boîte a extraordinairement survécu aux logiques de rationalisation propres aux déménagements. Inutilisées, les encres qu’elle contenait ont séché. Ne subsistaient que les motifs de l’emballage cartonné, volutes subtilement colorées pleines de promesses.
En écho à cette histoire, mon quotidien est traversé par le souvenir de gestes invisibles et la collecte de formes anonymes.
Au jour le jour, gestes et procédés se croisent afin que je témoigne de ce qui reste comme une archive du présent, une mémoire du futur.
Les supports que j’utilise, le papier évidemment, le textile, et la pierre plus curieusement, absorbent les mouvements et les motifs des couleurs que je forme à la surface de l’eau – par un procédé qu’on appelle la marbrure. C’est ce même mouvement qui m’amène à ramasser par terre des artefacts dérisoires en plastique.
Instantanés, ces mouvements capturent le hasard. Tantôt une seconde des couleurs mouvantes, tantôt une seconde d’attention sur un point précis au détour d’un trottoir. Ils sont aussi répétitifs que singuliers ; cherchant à faire cohabiter le multiple et l’unique, le trivial et le rare.
Ma pratique est un journal de bord, les titres de mes dessins deviennent des jours. Dans cette répétition, toutes ces formes familières ne semblent pourtant pas s’épuiser. Chacune possède sa singularité, créant une série de semblables indubitablement différents. Il s’agit de prendre l’empreinte par l’impression, de garder trace par la collection. D’un côté en détournant des procédés
artisanaux pour interroger leur histoire, de l’autre, en formant une archéologie des vestiges de l’anthropocène. Il est question de la place de l’humain, le travail de sa main, ses actions de transformation de la matière.
Cette modeste boîte de peinture a agi comme une petite fenêtre sur mon regard. Cette même fenêtre que j’ai entrevue au détour des perforations d’un morceau de plastique blanc.

Du mercredi au samedi de 14h à 18h – Le dimanche de 11h à 13h – Galerie fermée les jours fériés