[EXPO] 28.04→11.06 – JOAN AYRTON et BENJAMIN L. AMAN aux INSTANTS CHAVIRÉS à Montreuil

[EXPO] 28.04→11.06 – JOAN AYRTON et BENJAMIN L. AMAN aux INSTANTS CHAVIRÉS à Montreuil

Exposition […] aide à la vision, en strié, sur des sondes lunaires à rétrodiffuesion. En grand : en petit. JOAN AYRTON et BENJAMIN L. AMAN aux INSTANTS CHAVIRÉS à Montreuil du vendredi 28 avril au dimanche 11 juin 2017.

Vernissage vendredi 28 avril, 18h

Exposition ouverte du mercredi au dimanche 15h-19h

Une proposition de Marie CANTOS
Sur une invitation de Guillaume CONSTANTIN

« […] aide à la vision, en strié,
sur des sondes lunaires
à rétrodiffusion. En grand : en petit. »

C’est un titre chapardé au poète roumain de langue allemande Paul Celan (1920-1970).
Un titre emprunté, tout du moins.
Impossible de résister : au détour d’une page, un fragment – pour Benjamin L. Aman et Joan Ayrton, évidemment.

Ce sont quelques vers mal photographiés, envoyés par SMS aux deux intéressé-e-s.
Quelques vers qui disent beaucoup.
De leurs pratiques respectives.
De ce qui les réunit ici, aussi. De ce qui les réunit, pour moi.

Entre décembre 1967 et octobre 1968, Paul Celan, auteur, entre autres, de Pavot et mémoire (1952), De Seuil en seuil (1955), La Rose de personne (1963) ou encore Renverse du souffle (1967), écrit soixante-dix poèmes où, dans la « contre-langue » qui est la sienne (1), sourdent les révoltes de son époque.

Partie de neige (2).
Le recueil sera publié en 1971, de manière posthume.

Ici, comme souvent chez Celan, ca résiste.
Tout résiste : la langue, et l’être – les êtres – aussi.

Au-delà des évidentes résonances formelles et processuelles, voilà peut-être ce qui m’émeut le plus dans le travail de Benjamin L. Aman et Joan Ayrton : quelque chose d’une attitude où les formes expriment cette résistance.

Une manière de penser le réel par le sol. Au sens métaphorique, mais pas que.
Une manière de construire des objets de pensée, mettre au jour les strates de la matière, créer des percées vers d’autres espaces.
Une manière de faire vibrer les intervalles, créer ce très léger mouvement d’aspiration – la bascule du souffle, l’oscillation ténue d’un état à un autre, tout en micro-tonalités chromatiques, musicales, existentielles.

Et pour ce faire : creuser la gamme de l’intérieur.
Une expression de Benjamin L. Aman que Joan Ayrton aurait pu formuler.
Que l’on fit nôtre, d’ailleurs.

Le sentiment – la sensation même, palpable, tangible – du continuum de la matière.
Des allers-retours incessants : « En grand : en petit. » écrit Paul Celan.

C’est bien cela, une « aide à la vision, en strié ».
Comme l’on parle, parfois, de temps strié, en musique ?
Non, un temps sillonné, siphonné même ; qui ne serait plus horizontal, mais vertical.
Qui s’écoule vers le haut autant que vers le bas …
Non, qui se répand en cercles concentriques.

Un temps où passé, présent et futur s’enroulent et dansent autour d’un axe, forent le sol, s’élèvent vers le ciel ; un temps dit imaginaire qui ne suit plus jamais la flèche du temps classique.

Je pense à ces deux images que les artistes ont trouvées, chacun-e.
Et que l’on retrouvera précisément dans l’exposition, aux côtés de nouvelles productions ainsi que de pièces plus anciennes, s’amusant de ce temps vertical.

D’une part, une photographie tirée de l’ouvrage scientifique d’un ingénieur, Matthias Rennhard : Le Gothard à la pointe : du sentier muletier au tunnel de base du Saint-Gothard (3). Elle documente le percement du célèbre tunnel ferroviaire suisse, le plus long du monde. Joan Ayrton la chaparde à son tour, et se réapproprie ce document – © Alptransit Gothard AG – par le truchement de la citation.

D’autre part, un dessin issu du Manuscrit de Salzbourg représentant « La Musique des sphères », ses cercles comme ceux de l’enfer de Dante (4). Quoique plus nombreux. Une planète, les anneaux de Saturne, en écho à ceux de la photographie qui avait arrêté Joan Ayrton. Un display déjà presque pour la musique de Benjamin L. Aman qui s’en affranchira néanmoins ici.

Deux images comme deux disques aux sillons s’imprimant indéfiniment, circonscrivant l’expansion de l’univers dans l’enclos du temps, pour reprendre le titre d’un autre recueil de poèmes de Paul Celan (5).

Car il ne faudrait pas oublier l’ouvrier casqué posant devant l’immense empreinte digitale que la foreuse grave dans la roche, sur la photographie du Saint-Gothard. Il est défi, labeur, échelle, il est geste, outil, matériau. Il rappelle que la résistance est partout, en face, en nous.

Qu’il en résulte la bascule du souffle, l’apesanteur de ce qui ne cesse jamais.
« Vertigineusement je m’enfonçais en haut. » (6)

Marie CANTOS
Commissaire de l’exposition
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Notes :
1 – Jean Bollack, L’Écrit : Une poétique dans l’oeuvre de Celan, 2003.
2 – Paul Célan, Partie de neige, 1971 (trad. Jean-Pierre Lefebvre).
3 – Matthias Rennhard : Le Gothard à la pointe : du sentier muletier au tunnel de base du Saint-Gothard, 2016 (trad. Barbara Fontaine)
4 – Musique des Sphères, dans le Manuscrit de Salzbourg, 820, BnF, Paris.
5 – Paul Célan, Enclos du temps : Zeitgehöft, trad. Martine Broda, Clivages, Paris, 1985.
6 – Henri Michaux, Le Dépouillement par l’espace, 1966.

Marie CANTOS, commissaire d’expositions, propose dans le cadre de cette invitation, une exposition inédite entre les artistes Joan AYRTON et Benjamin L. AMAN qui baliseront la brasserie Bouchoule au travers d’espaces sonores, de dessins, de vidéo et d’images des territoires découpés en strates, aux contours flous et aux climats envoûtants.

ÉVÉNEMENTS DANS LE CADRE DE L’EXPOSITION :

SAMEDI 13 MAI, 17H. ENTRÉE LIBRE
Maryline ROBALO
Pour l’activation performée d’une édition réalisée dans le cadre de l’exposition.

JEUDI 18 MAI, 19H. ENTRÉE LIBRE
Soirée VELAK EXPORT
Installation de Julia TAZREITER. Performance du TAPE ENSEMBLE.
Concerts à suivre au 7 rue Richard Lenoir. Plus d’infos

SAMEDI 27 MAI, 17H. ENTRÉE LIBRE
Henri LEFEBVRE
Pour une lecture spatialisée de textes choisis, par le poète lui-même.

SAMEDI 10 JUIN, 17H. ENTRÉE LIBRE
Sally BONN
Pour une lecture performée autour du travail des artistes.

DU 4 MAI AU 4 JUIN 2017
SLEEP DISORDERS
Pour une programmation du collectif composé de Benjamin L. AMAN et Marion AUBURTIN dans le cadre de RIEN À VOIR, projections-vidéos de 20h30 à 21h avant les concerts aux Instants Chavirés.
Avec Leif ELGGREN, David de TSCHARNER, Agnès GEOFFRAY et la diffusion des archives inédites du collectif intitulées RELEASE THE BATS I – VIII avec JUNKO et JUSTICE YELDHAM, JAMIE STEWART et PRESLAV LITERARY SCHOOL, CRYSTAL PLUMAGE et SISTER IODINE, PURE DUO avec HATI et STEVEN LAVENDER

(Plus d’informations à suivre)

INSTANTS CHAVIRÉS / Ancienne brasserie Bouchoule
2 Rue Emile Zola – Montreuil – M° Robespierre
Exposition ouverte du mercredi au dimanche 15h-19h